"Nadège Rochat: Marie Jaëll a un grand imaginaire"

Publié le 05.05.2025

La violoncelliste Nadège Rochat sera avec l'OSR le 11 mai à l'affiche du Victoria Hall, dans le cadre des Concerts du Dimanche de la Ville de Genève.

Enfant du pays, Nadège Rochat est née à Genève dans une famille de musiciens. Après avoir commencé le violoncelle à quatre avec sa tante, ses études la mèneront à la Hochschule für Musik de Cologne, puis à la Royal Academy of Music de Londres où elle a ensuite enseigné avant de s’établir en Espagne.

Elle se produit dans les plus grandes salles comme la Tonhalle de Zurich, le Musikverein de Vienne, le Konzerthaus de Berlin, le Carnegie Hall de New York, ou le Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg, et avec des orchestres de premier plan, parmi lesquels figurent le Royal Scottish National Orchestra, le BBC Concert Orchestra, la Staatskapelle Weimar ou le Dortmunder Philharmoniker.

Elle revient à Genève, sur la scène du Victoria Hall en compagnie de l’Orchestre de la Suisse Romande pour jouer un concerto quasi inconnu de la compositrice française Marie Jaëll.

Entretien



Le Concerto pour violoncelle de Marie Jaëll n’est pas connu et vous le jouez pourtant avec deux orchestres cette saison. Est-ce vous qui l’aviez intégré à votre répertoire d’œuvres disponibles, ou est-ce la coïncidence des programmations?

Nadège Rochat: Je connaissais le concerto d'oreille uniquement. Il m'intéressait mais je n'avais pas encore eu la possibilité de le travailler.

La Staatskapelle de Weimar m’a d'abord proposé cette œuvre, il y a deux ans il me semble. J’ai accepté avec plaisir, parce que le concerto est très beau, et le travailler m’intéressait fortement.

C'est un peu plus tard que l'OSR a aussi eu l'idée de de le programmer. Les deux orchestres ont eu la même envie, mais finalement ce n’est pas très étonnant : 2025 marque le centenaire de la mort de Marie Jaëll, et c’est un bon moyen de mettre ses compositions en lumière.

Dans quel contexte avez-vous découvert ce concerto ?


Des amis m'en avaient parlé.

Je suis en contact avec pas mal de d'artistes qui s’intéressent aux compositrices et compositeurs moins connus pour des raisons pas forcément justifiées et nous nous échangeons constamment des noms, des œuvres... bref, des choses à découvrir.

Je l'avais donc écouté et notamment un très bon enregistrement fait par Xavier Phillips.

Dans mon téléphone, j’ai une liste d’œuvres que je mets de côté pour plus tard, soit à préparer pour des concerts, soit à proposer quand j’ai la possibilité de le faire. Le concerto de Marie Jaëll était dans ma liste, donc le hasard fait plutôt bien les choses.

Marie Jaëll a étudié la composition avec Saint-Saëns et était amie avec lui et Fauré. Est-ce qu’on retrouve leurs influences dans ce concerto ?


C’est intéressant, parce qu’en certains points, on peut reconnaître des influences de l’école française, mais depuis le début, ce concerto me fait plutôt penser à Beethoven : l'orchestration, les thèmes très lumineux me font penser à la Pastorale, très concrètement.

Le mouvement lent est complètement beethovenien et le dernier mouvement a des connotations chevaleresques de la sonate à Kreutzer.

En lisant sa biographie, on découvre d’ailleurs qu’elle a été la première pianiste - hommes et femmes confondus - à jouer l'intégrale des sonates de Beethoven en France.

Sans aucun doute, son inspiration vient de là, bien plus que de la musique française. Ses œuvres, et pas seulement le concerto, sont très fraiches et chevaleresques, voire fantasques. Elle a un grand imaginaire

La partition n’a pas l’air des plus faciles et présente quelques défis.


Le concerto comporte certains passages en doubles cordes et notamment en octaves, mais à partir d’un certain niveau, la technique n’est plus un obstacle ; à force de la travailler, elle se maîtrise.

Notre préoccupation principale devient la musique en elle-même, et c’est ce qui constitue la motivation principale de notre travail.

Je pense qu’elle voulait que ce concerto soit virtuose et léger, surtout le dernier mouvement. Certaines parties de l’œuvre ont quelque chose d’un peu céleste, donc le violoncelle monte facilement sur la corde de La pour donner cette impression d’être au-dessus de tout, des nuages...

La virtuosité de l’écriture s’exprime aussi dans de tels passages. La fin du premier mouvement se termine notamment sur un Fa dans les suraigus du violoncelle, à la limite de ma touche, et sans que les aigus ne me posent de problème, c’est presque cette note en particulier qui m’embête le plus.

Qu’est-ce que cela change d’un point de vue technique ou musical ?

Quand une note sort de la touche, ce n’est pas forcément grave, mais si c'est vraiment juste sur la cassure, là où la touche s’arrête, c'est plus délicat de réussir à garder la corde au bon endroit sous le doigt.

Chaque violoncelle est différent et les touches peuvent être plus ou moins longues ; manque de chance, sur mon violoncelle, ma touche se termine sur cette note.

Les saisons peuvent aussi avoir une influence : le violoncelle peut être plus ou moins tendu selon l’humidité... Ce n’est pas très grave, il faut se débrouiller et s’adapter. Disons que le risque, c'est d’avoir un son moins parfait que ce que l’on voudrait, mais il n’y a rien de dramatique.

Vous jouez à Genève qui est votre ville d’origine. L’état d’esprit diffère-t-il dans cette situation?


C'est toujours particulier pour moi de jouer à Genève. J'ai joué avec beaucoup d'orchestres – cette année je n’ai joué qu’avec orchestre, d’ailleurs - et ce n’est jamais le même effet de jouer avec l'OSR. Pour moi, c'est le grand orchestre que je vois, depuis toute petite, comme le plus grand orchestre au monde. Alors évidemment, j’ai une vision un peu biaisée, mais je veux dire que jouer avec eux reste quelque chose de spécial.

D’un point de vue plus personnel, ce concert sera très particulier : quand je jouais à Genève, mes grands-parents venaient toujours, ils étaient très impliqués. J’ai récemment perdu ma grand-mère et ce sera le premier concert où je n’aurai aucun de mes grands-parents dans le public.

Vous souvenez-vous votre première fois avec l’OSR?

C’était en 2022, je jouais les Variations Rococo de Tchaikovsky.

Étonnamment, c’est assez récent.

Je suis encore jeune et je considère que ma carrière n’en est encore qu’à ses débuts. Cette année la plupart des orchestres avec lesquels je joue sont des premières fois : l’Ulster Orchestra, le Real Filharmonia de Galicia, l’Orquesta Sinfónica de Málaga, le Macao Symphony Orchestra ou l’Orquesta Sinfónica de Tenerife...

Chaque début a sa temporalité et je suis très heureuse de pouvoir rejouer avec l’OSR cette année.



Nadège Rochat et l'Orchestre de la Suisse Romande (OSR)


Le 11 mai au Victoria Hall Genève
Dans le cadre des Concerts du dimanche de la Ville de Genève

Jonathan Nott, direction
Nadège Rochat, violoncelle
Orchestre de la Suisse romande (OSR)

Programme:
Marie Jaëll, Concerto pour violoncelle
Igor Stravinsky, Petrushka


Informations, réservations:

https://scenes-culturelles.geneve.ch/victoria-hall/concerts-du-dimanche.html