Une mère, une fille, une infinité de possiblités

Sur scène, une mère et sa fille. Considérant son parcours de super-militante, de super-écolo qui ne l'a pas menée là où elle pensait, la première décide ou croit qu'il est temps de décider s'installer à la campagne, si possible en communauté. Dans un semblant de préparatifs de déménagement, commence alors, entre l'adulte encore jeune, et l'adolescente rudemment mûre, ce qui ressemble à un dialogue, à un échange. Mais qui parle, et à qui?
A partir de ce texte de l'auteure germano-suisse multi-récompensée Sybille Berg, la chorégraphe Nicole Seiler, dont c'est la première mise en scène réalisée à partir d'un texte, interroge la question de la filiation, de l'héritage: qu'est-ce que l'un transmet, qu'est-ce que l'autre en fait (surtout s'il n'en veut pas particulièrement.)
Ecriture virtuose, mise en scène sur un fil, Nicole Seiler répond à quelques questions, bientôt accompagnée de Manon Krüttli, accompagnatrice dramaturge.
Reconnue comme chorégraphe, c’est la première fois que vous mettez en scène un texte. Considérez-vous ce projet comme une étape logique dans votre parcours artistique?
Nicole Seiler: C’est une surprise complète, je n’y avais pas pensé un instant, parce que d’une manière générale je suis empruntée avec le texte - j'ai une relation amour-haine avec le texte.
Par contre j’adore entreprendre des choses que je n’ai jamais faites, j’adore les défis... Et surtout j’adore Sibylle Berg!
N.S.: Je ne connaissais pas son théâtre, mais j’aime le sarcasme dont elle fait preuve dans ses chroniques de la NZZ et sur les réseaux sociaux. Elle est drôle, décalée et n’a pas peur d’être politiquement incorrecte.
Quand vous découvrez ce texte tuilé, dans lequel il n’est jamais précisé si c’est la mère ou la fille qui s’exprime, et si elle s’adresse à elle-même à sa parente ou au public, la chorégraphe voit-elle immédiatement des opportunités de mise en scène?Oui bien sûr. Mais ce qui m'a touchée c'est l’histoire de ces deux personnes, la petite et la grande. Cette histoire, j’ai envie de la rendre plus universelle. Je réfléchis à la manière dont on peut, par des images, par le corps, par un mouvement sur scène, construire quelque chose qui irait au-delà de leurs histoires à elles.
Qu’est-ce que vous percevez d’universel dans ce texte?N.S.: Si on n'est pas toute mère, on est toute fille de quelqu'un. Ce qui m'intéresse c’est donc la question de l’héritage; ce qui traverse les générations.
N.S.: Je n’aime pas le mot méthode, mais nous avons travaillé sur des protocoles d’improvisation, les mêmes que ceux que j’utilise avec les danseuses et danseurs. Alors bien sûr on ne devient pas danseuse en deux mois - mais Mathieu Bertholet (directeur du Poche, responsable de la distribution des rôles, ndr) a choisi deux comédiennes qui sont à l’aise avec leur corps.
Nous avons travaillé sur la dissociation du jeu des personnages - les deux comédiennes qui racontent cette histoire sur scène, mais qui n’incarnent pas, à tout moment, leurs personnages. Une distanciation qui va permettre une lecture plus universelle.
N.S. Je voulais que les comédiennes construisent quelque chose sur place, de leurs mains. La pièce parle d’héritage, mais aussi d’une vie meilleure qui serait possible. Toutes les deux construisent un rêve pour leur vie - forcément qui n’est pas le même. Comme l’action se passe dans le cadre d’un déménagement, il y aura, entre autres, des cartons.
Comment se passe la collaboration entre Nicole Seiler et Manon Krüttli. Comme à l’opéra, où l’on travaille le matin avec le maestro et l’après-midi avec le metteur en scène?Manon Krüttli: Non, il y a un rapport d’alternance en permanence. Nous mettons le focus sur le texte, sur des outils de jeu - nous travaillons le rythme, les ruptures, les adresses. Puis vient ce qui a trait à la composition du corps dans l’espace et ce qui fait que les corps se meuvent sur scène.
M.K.: La question de l'adresse est un enjeu complexe dans le texte car elle est souvent multiple et toujours en mouvement. La difficulté à laquelle nous nous sommes confronté a été de faire coexister les ruptures induites par les adresses avec la linéarité du récit.
Alors, on fait quoi?M.K.: On travaille! (éclats de rires) Le texte a l’air simple. Mais ensuite, pour retrouver l’évidence, le processus est complexe.
Et pour la chorégraphe?N.S.: J’ai un concept, un point de départ, mais je fonctionne ensuite à l’instinct et à l’intuition. Dans mon esprit, c’est un peu nébuleux, Je fais en sorte que les choses deviennent possibles. Mais le pourquoi et le comment m’échappe.
Pour autant, l’objet final de Et soudain Mirna sera très précis dans sa structure.
Donc, une méthode…
Non pas du tout. J'ai des manières de travailler, des pratiques que j'aime particulièrement et pourtant il faut tout le temps les réinventer.
Et soudain Mirna
Du 4 mars au 5 mai au Poche/GVE
Sibylle Berg, texte - Camille Logoz, traduction
Nicole Seiler, mise en scène - Manon Krüttli, accompagnement dramaturgique
Avec Bénédicte Amsler Denogent et Lucie Zelger
Informations, réservations:
https://poche---gve.ch/spectacle/et-puis-arriva-mirna